Tant et tant de choses sont dites et ont été dites sur la sorcière. Entre engouement et répulsion. Tabou et mode. La figure de la sorcière fait couler beaucoup d’encre et passer beaucoup de temps sur nos écrans. On cherche souvent à la définir alors que par essence elle est indéfinissable. Du malleus maleficarum de l’inquisition à Instagram aujourd’hui tant de débats et de querelles de clocher (si je peux dire…) pour tenter de savoir ce qu’est une « vraie » sorcière, qui l’est et qui ne l’est pas. Si nos ancêtres devaient prouver qu’elles ne l’étaient pas pour échapper à l’assassinat aujourd’hui il semble être bien vu et sulfureux juste ce qu’il faut d’affirmer en être une. Guerres d’ego, ridicules ou tragiques, qui parlent de nos désirs de pouvoir sur l’autre et non de pouvoir sur soi. Et in fine assez peu de magie dans tout cela… Malheureusement. Puisque l’on me pose souvent la question je vais vous partager ma vision (actuelle) sur le sujet. Évidemment je ne détiens pas LA Vérité, je connais seulement MA Vérité qui repose sur mon expérience et ne vaut que ce qu’elle vaut dans cet ici et maintenant. Puissent les mots trouver résonance en vous – ou pas – et nourrir votre réflexion comme les miroirs que nous sommes tous et toutes les uns pour les autres.
Pour moi la sorcière est multiple.
Il y a l’archétype.
Il y a la figure (politique).
Il y a la pratiquante.
Et tant d’autres choses encore…
Si pour certain.e.s ces différents aspects s’opposent, pour moi ils cohabitent.
L’archétype de la sorcière vit dans la psyché de chaque femme. Qu’on le reconnaisse ou le refoule il est un des aspects de notre psychisme qui s’expriment à différents moments de notre vie aux rythmes de nos saisons tant intérieures qu’extérieures (âge, cycle des saisons, cycle menstruel etc…) Donc comme l’écrit Alice Hoffman l’autrice du roman « Pratical Magic » j’aime à penser que « There’s a little witch in every women ». Nous sommes toutes un peu sorcières.
Cet archétype de la sorcière vibre le sauvage, le marginal, l’indomptable. La sorcière est une rebelle qui telle Aradia combat toutes les formes d’oppressions et l’exploitation de l’ensemble du vivant. En cela la sorcière est une figure politique. Les féministes ne s’y sont pas trompées. Cependant si les militantes s’identifient à cette figure subversive bien souvent cela s’arrête là. Elles n’en sont pas pour autant sorcières dans la réalité étymologique du nom c’est à dire celles qui pratiquent l’art ancestral et sans cesse renouvelé de la sorcellerie. Celle qui jette des sorts.
Car oui la sorcellerie est un art. Elle nécessite pratique, connaissance, créativité et talents. Comme tout art la sorcellerie a ses codes, ses modes, ses règles que l’on respecte ou dont l’on s’affranchi pour les remanier, les réinventer et se les approprier. Chaque sorcellerie est unique à l’image de la sorcière qui la pratique. Pour certain.e.s elle a des couleurs (blanche, noire, rouge ou verte) pour d’autres (comme moi) elle n’en a pas. Elle EST tout simplement. Pour le reste tout dépend de l’intention (et de l’ego !) de celle qui la pratique. La sorcellerie s’exprime sous différentes formes selon les intérêts, les désirs et les compétences des unes et des autres. Beaucoup aimerait hiérarchiser et classifier. Je ne suis pas de cette avis. Que l’on soit une « dark witch » pratiquant la nécromancie ou une sorcière « verte » passionnée d’herboristerie, que l’on pratique les rituels pour curser (jeter des sorts) ou pour célébrer un passage, à chacune sa magie. Il y a autant de magies que de sorcières (et sorciers bien évidemment mais je reste pour cet article sur ma vision de la sorcière). Le bon et le mauvais, l’ombre et la lumière etc… Tout cela est humain dépendant. Cela ne dépend pas de la pratique mais de la pratiquante.
Alors y-a-t-il un point commun entre les sorcières ?
Je dirais oui. Pour moi c’est la conscience de l’invisible, la conscience de notre place dans un grand Tout, la connaissances des rythmes et des lois de la nature et plus largement de l’Univers. La conscience aussi de notre pouvoir personnel et de notre capacité à agir avec ce grand Tout et communiquer avec les mondes invisibles. Être une sorcière c’est avoir une autre vision du monde et de ce que l’on nomme habituellement comme la « réalité ». C’est aussi se réapproprier notre héritage culturel, notre relation au vivant et au sacré et reprendre notre puissance personnelle. Assumer d’être une sorcière c’est assumer sa puissance (et tout le dérangement qu’elle peut causer) et dire d’où l’on vient (parce que non une sorcière n’est pas une chamane). C’est s’inscrire dans la grande lignée des femmes de notre histoire (et pas celle des autres).
Mais alors qu’est-ce qui nous divise ?
Et bien comme pour tous les êtres humains de cette planète : l’ego et nos karmas de pouvoir. En cela la sorcière n’est pas différente des autres. Ce n’est pas parce que l’on est une sorcière que l’on a fait un véritable travail sur soi et que l’on suit un cheminement initiatique d’évolution spirituelle. Conditions sine qua none pour se libérer de l’emprise de notre ego et de ses fameux karmas de pouvoirs que l’on se coltine depuis des millénaires. Alors oui la sorcellerie c’est de la magie mais ce n’est pas toujours de l’Esprit.
J’espère sincèrement qu’un jour les sorcières, au lieu de se chicaner bêtement sur les réseaux sociaux comme c’est beaucoup le cas en ce moment, feront fi de leurs différences pour s’unir enfin et mettre leur pouvoir non au service de leurs desseins personnels mais au service de la Terre et de l’ensemble du vivant.L’union fait la force. Et nous sommes puissantes. La Terre et l’humanité ont plus que jamais besoin d’être protégées.
Comme le dit si bien Peter Grey dans « Apocalyptic witchcraft » :
𝑰𝒇 𝒕𝒉𝒆 𝒍𝒂𝒏𝒅 𝒊𝒔 𝒑𝒐𝒊𝒔𝒐𝒏𝒆𝒅 𝒕𝒉𝒆𝒏 𝒘𝒊𝒕𝒄𝒉𝒄𝒓𝒂𝒇𝒕 𝒎𝒖𝒔𝒕 𝒓𝒆𝒔𝒑𝒐𝒏𝒅.
Pour le reste cessons de vouloir définir l’indéfinissable et laissons les sorcières au mystère qui leur sied tant. Définir c’est limiter et enfermer alors que par essences les sorcières sont libres et sauvages.